Les invités une petite fiction de Noël
27 octobre: Une petite tournée sur Temu pour trouver des petits cadeaux pour les bas de Noël des invités. Voyons, l'Halloween n'est même pas passée! Pas grave, vaut mieux se prendre d'avance et ça va me permettre de nous commander de nouvelles lumières.
17 novembre: La viande hachée est en vente, les tourtières seront déjà prêtes. Une bonne affaire de réglée. L'année passée avec deux tourtières c'était limite. Trois cette année et au pire on en mangera en janvier. On va aussi tout acheter pour faire les petites saucisses et du dessert. Pas question d'aller à la dernière minute faire la file à l'épicerie.
6 décembre: Tous les voisins ont déjà mis leurs décorations. Faut attendre un peu, c'est une question de principe! La plus importante tradition de Noël qu'il nous reste, c'est de ne pas célébrer Noël pendant trois mois. En tout cas, maintenant c'est le temps d'installer les lumières et l'arbre qu'on sort de la cave.
23 décembre: Tout est prêt. Il restera juste la dinde à cuire et les salades à préparer. La table est montée. Le vin acheté à la dernière minute à la SAQ, parce que malgré toutes les préparations il faut toujours se taper un oubli. Grand-maman vient d'appeler. Elle aimerait qu'on invite le cousin qui vient de revenir en ville. Ça va faire du monde à la messe avec les parents, le frère, la sœur et les neveux et nièces. Pas grave. On se trouvera de la place.
25 décembre: Ça n'a pas été simple d'asseoir tout le monde. La chaise d'ordinateur et les chaises de camping ont repris du service. En plus de la gang déjà attendue, les nièces ont amené leurs chums et le cousin est venu avec sa nouvelle blonde et ses enfants à elle. Une chance, on a eu assez de soupe pour tout le monde.
Pour la tourtière, pas certain…
OK, revenez dans la cuisine deux secondes. Vous avez bien vu qu'on manque de place avec tout le monde qui vient de débarquer et on n'aura pas assez à manger. Juste trois petites tourtières et j'ai pas de dessert pour tout le monde. Je n'ai pas le choix, tout le monde qui ne vit pas déjà ici dans cette maison, vous avez 15 minutes pour prendre vos affaires et sortir!
- Voyons la cousine, ça n'a pas d'allure! C'est toi qui m'as invité!
- Voyons ma sœur, ça n'a pas d'allure! C'est moi qui t'ai aidée à rénover ta cuisine et ta salle de bain l'autre année!
- Voyons ma fille, ça n'a pas d'allure! C'est moi qui ai gardé tes enfants quand tu es allée magasiner et quand tu emballais les cadeaux.
Pas grave, tout le monde dehors. On va continuer le repas de Noël sans vous et on verra dans le futur s'il y a des places pour vous accueillir à un moment donné.
Mon histoire n'a pas d'allure, n'est-ce pas? Évidemment qu'on ne ferait pas vivre cela à des invités le jour de Noël. On se contenterait volontiers de plus petites portions et on s'arrangerait pour avoir plus de places et de bouffe l'an prochain ou pour inviter moins de personnes. Pourtant c'est bien ce qui attend des milliers d'immigrants temporaires au Québec au cours des prochains mois et des prochaines années si rien ne change.
Nos gouvernements estiment avoir accueilli trop de personnes immigrantes dans les dernières années et plutôt que de fermer les portes du pays pour le futur, on s'engage dans une démarche qui vise à renvoyer chez eux des personnes qui sont déjà au Québec et au Canada, qui y travaillent et qui y apprennent le français.
Depuis des décennies nous avions une sorte de pacte envers les personnes immigrantes. Travaillez et apprenez le français et, au bout d'un moment, vous obtiendrez un statut permettant de demeurer à long terme au Canada. Les programmes avaient différents critères, mais au final on revenait à ces attentes.
Pour un très grand nombre de personnes immigrantes et leur famille, ce pacte est rompu. De nouveaux critères feront en sorte que des milliers de familles immigrantes devront plier bagages et retourner chez elles, souvent après avoir appris le français et travaillé au Québec depuis des années.
Peut-être que nos gouvernements se sont gourrés et ont accepté plus de personnes que le permettaient nos services publics et notre économie, mais nous ne sommes pas des sans-cœur! Sur le principe, on assume notre erreur, on corrige la situation pour le futur, mais on ne met pas de familles dehors. En tant qu'individus, on ne mettrait pas nos invités dehors, alors pourquoi laissez nos gouvernements le faire en notre nom? Il faut absolument que notre classe politique, tant à Québec qu'à Ottawa, s'entende pour instaurer des clauses grand-père permettant aux immigrants temporaires déjà présents sur le territoire de compléter leur processus d'immigration selon les critères qui existaient à leur arrivée.
Ça sera sinon une faute grave contre nos valeurs comme nation québécoise qui laissera sa marque dans notre histoire.